Nous l'avons vu dans un précédent article, les parents et les professionnels de crèche ont pris conscience de la nouvelle place du père auprès de l'enfant. Son influence sur le développement de ce dernier n'est plus à démontrer. Néanmoins, il semble qu’en pratique tout ne soit pas acquis. En effet, en analysant les réponses au questionnaire destiné aux parents et publié sur internet, il ressort qu'une difficulté subsiste: prendre sa place de père oui, mais comment? Il est vrai que les institutions peinent à modifier leurs pratiques, mais finalement n'en est-il pas de même au sein de la famille? Un petit test pour vous mesdames:
Qui prépare les vêtements de bébé ou des enfants pour l'école?
Qui prévoit, prépare le petit déjeuner?
Qui organise la garderie? La nounou?
Qui prend les rendez-vous médicaux?
Qui gère le chrono pour les repas, les devoirs, la toilette, l'heure du coucher?
Alors quels sont vos résultats? La vraie question serait plutôt, pourquoi est-ce moi (maman) qui gère ça? Pourquoi je ne laisse pas papa le faire? Soyons lucides, nos enfants seront habillés (parfois avec un chemisier à l'envers, des associations de couleurs curieuses...), le petit déjeuner sera lui aussi différent, les enfants iront à l'école et les rendez-vous médicaux seront faits avec plus ou moins de retard, et alors? Le vrai partage des tâches serait peut-être de laisser faire papa à sa sauce. Les enfants s'enrichissent dans la diversité des expériences ;). Et partir à l'école avec un jean à l'envers s'en est une (ça sent le vécu...). Sur cette petite méditation, je vous laisser lire la suite de cet article et surtout les résultats de ma recherche sur la place du père aujourd'hui!
1. Un choix de la mère
Au détour des réponses j'ai été surprise de constater le point suivant: La place du père semble être une place offerte par choix de la mère. Le père pourrait donc s’investir auprès de son enfant, sous la condition que la mère le laisse faire. Ce postulat s’illustre à de multiples reprises dans les résultats du questionnaire. Une mère répond: « par contre, il faut aussi que la mère laisse au père sa place car le lien maman/bébé est tellement fort que le trinôme est difficile à s'installer ». Une autre parle du lien père-enfant en précisant « qu'il peut être très fort mais peut-être pas dans les premiers mois de vie, quand une maman porte, met au monde et allaite son bébé, il est difficile pour le papa de se faire une place et de créer du lien mais cela vient dès que le bébé s'autonomise un peu ».
Le coup près tombe, l'investissement du père dans les premiers mois de vie serait-il vu comme non indispensable et presque non naturel, comme d'arracher son veau à sa mère? Seule la mère serait indispensable au bon développement du nouveau-né?
Une autre mère confirme en ajoutant qu’« en grandissant, le père prend une place plus particulière pour l’enfant. Il est un indispensable, un modèle, une référence d'autorité ».
2. Egalité homme-femme?
Les réponses de ces mamans à l'égard du père nous montrent bien qu'au sein même des familles, la place du père n'est pas celle à laquelle on s’attendrait. A l'heure du partage des tâches et l'égalité homme-femme, l'idée que les premiers mois de vie (voire années) soient "réservés" à la mère continue encore d'influencer les comportements parentaux. Un père nous livre ce même constat, et nous dit qu’il est important pour le père « de développer une relation de confiance et d'amour. Ce lien père-enfant doit se développer rapidement et la mère doit laisser de la place pour cela, car pour elle ce lien est presque inné - elle qui a porté l'enfant ». Les pères interrogés parlent tous de ce sentiment de « retard » dans la création du lien père-enfant. Lui qui qui n'a serte pas porté l'enfant a cependant subit bien des remaniements et cela même avant la conception. Je vous invite à lire l'article sur le désir d'enfant pour vous donner l'étendue du chantier!
3. Le père, au cœur de l'ambivalence maternelle?
Bien que les mères admettent la place du père auprès de leur enfant comme une évolution et une grande aide bénéfique pour l’enfant, elles ne sont peut-être pas encore prêtes à laisser le père entrer dans cette dyade mère-bébé, dès le début de la vie de l’enfant. Pourtant il semble que les pères le souhaitent. Nous sommes finalement loin de l'égalité homme-femme évoquée plus tôt.
Cette ambivalence est aussi ressentie par les professionnels de crèche. Lors d'un entretien, une auxiliaire de puériculture me dit: le père prend sa place car il pense « que la mère lui a permis de prendre cette place, et qu’il a bien voulu la prendre aussi. C’est donnant donnant. Et qu’en fait la maman n’a pas trop le choix non plus par les contraintes, le travail, les horaires etc ». Elle précise ensuite que pour cela, la mère « a dû céder un peu du terrain, par obligation. Je suis certaine qu’à 90% des cas, que si elle avait pu garder son enfant à la maison elle l’aurait fait ». Ce serait donc à contre cœur que la mère laisserait cette place au père?
Une puéricultrice interrogée plus tard nuance ce propos en expliquant que « par la force des choses, les mères prennent plus de place et effectivement c’est pas forcément un processus conscient mais ça peut être un processus agréable. C’est des jeux de pouvoir, auprès de l’enfant, c’est aussi de la représentation que la société a de la mère, si c’est le père qui se rend compte que l’enfant est douloureux ou a faim, la mère se sent en échec. Alors que si c’est la mère qui s’en rend compte alors le père va dire « oui d’accord » et va aller lui faire son biberon. […] la représentation sociale n’est pas la même et donc les attendus ne sont pas les mêmes ». La puéricultrice justifie dans ce propos l’ambivalence des mères en notant qu’il s’agit d’un processus inconscient, mais agréable d’avoir l’exclusivité avec son enfant. Elle précise également que ce processus est directement lié à « la charge sociale de la mère ». L’image de la « bonne mère », qui comprend et satisfait les besoins de son enfant, reste gravée dans les représentations.
Conclusion
Ces questionnaires auprès des parents et entretiens en crèche m'ont permis de réaliser l'importance, voir même l'emprise qu'ont les représentations sociales sur les comportement parentaux.
Pourtant nous le savons, le besoin le plus important d'un enfant: avoir des parents droits dans leurs bottes! Avoir des parents qui ont confiance en leurs compétences parentales.
Non le lien mère-enfant n'est pas inné, tout comme celui du père il se construit. Non la mère ne doit pas choisir entre être une mère louve ou une "féministe". Un parent "suffisamment bon" comme dirait notre bon vieux D.Winnicott, se construit au fil du temps et surtout en équipe! C'est avec cette ambition que je vous propose mes ateliers au sein de Au lit Joséphine! Pour que dès la grossesse, la naissance ou encore les premiers mois vie, mère et père soient prêts à faire équipe dans leur nouvelle fonction de parent. L'allaitement, les soins du bébé et la compréhension des besoins de ce dernier n'est pas une affaire de femme mais bien une affaire de couple parental.
Alors oui le père « kangourou », annoncé « revendicateur » par Colona-Césari n’a pas encore gagné toutes les batailles. Etre un père présent aujourd’hui, c’est aussi faire avec les contradictions liées aux représentations et modèles sociaux passés. Toutefois les pères semblent l’accepter et se détournent de l’emprise sociale pour se tourner vers le plus important : l’enfant.
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